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Agriculteurs en colère

Agriculture et écologie, l’antagonisme qui n’a pas de sens

agriculteurs en colère
agriculteurs en colère

Le monde agricole est en colère ; des tracteurs bloquent des autoroutes en Allemagne ou en France. La BBB, une nouvelle partie politique luttant contre les normes écologiques, fait sa rentrée dans le gouvernement aux Pays-Bas …

Les raisons sont multiples, les média en parlent abondamment ; revenus très basses, lourdeurs administratives, normes écologiques difficilement applicables, concurrence déloyale avec des pays ayant des normes moins élevés,

En France, le gouvernement va annoncer des mesures, mais ce ne sera à coup sûr pas assez.

Le ressentiment qui restera encore pour longtemps va plus en profondeur que les problèmes des accords de libre-échange, aussi importants qu’ils soient. Plus profond que le prix du gazole non-routier. Plus profond que l’interdiction ou non des pesticides.

Le fond est, il me semble, que nous sommes venus à opposer ‘agriculture’ et ‘écologie’ et de faire porter aux agriculteurs tout le poids des changements climatiques. Et comme ils sont (presque) seuls responsables, on leur impose des normes. On leur dit de changer leur modèle, coûte que coûte et le plus vite possible.

Et c’est vrai. C’est vrai que depuis l’invention de l’agriculture et l’élevage au Néolithique, entre 9.000 et 5.000 ans avant notre ère, depuis que les humains ont abandonné ‘chasse et cueillette’, l’Homme a commencé à s’imposer à la Nature. A la place de prélever un petit peu de baies, de racines, d’animaux comestibles, prélever le nécessaire pour survivre[i] pour les quelques milliers d’humains présents sur Terre, ils ont commencé à ‘domestiquer’ les animaux et les terres et à ‘produire’ pour toujours plus de monde, jusqu’à presque 10 milliards aujourd’hui. Les techniques (brûlis, apport de matière organique, apport de fertilisants chimiques …) et artéfacts (bèche, charrue, machines, …) s’améliorant, les humains ont toujours mieux ‘maîtrisé’ la Nature. Jusqu’à ce qu’il n’y a point question de processus véritablement naturels (betteraves sur des sols stériles, tomates hors sol sous serre chauffée, viande in vitro). D’un travail ‘avec’ la Nature on est arrivé à un travail ‘contre’ elle.

Il est vrai aussi que cela a fortement participé à changer la surface de la Terre (anthropisation d’environ deux tiers de la surface totale), la composition de l’Hydrosphère (microplastiques et résidus de pesticides dans l’eau), le contenu de l’Atmosphère (augmentation de taux de CO2, trou dans la couche d’ozone), la température du Globe (‘global warming’), le comportement du Climat (augmentation d’intensité des tempêtes, …), … jusqu’à la menace d’effondrement de l’Ecosystème Globale de la Terre.

Mais, l’agriculture n’en est pas la seule cause. L’industrialisation et l’invention des véhicules motorisés, ainsi que nos maisons chauffés et notre électroménager, y ont également largement contribué.

Pour le CO2 par exemple, on trouve ces chiffres de la GIEC : industrie (24%), production de chaleur et d’électricité (24%), agriculture, foresterie et utilisation des sols (22%), transports (15%), émissions indirectes liés à la production d’énergie (10%), bâtiments (5%)[ii].

C’est déjà un point important, l’agriculture n’est qu’une des causes de nos difficultés d’aujourd’hui. Il y en a beaucoup d’autres.

Un deuxième point nous concerne tous ; nous voulons manger comme on le souhaite – pour la plupart d’entre nous cela inclut des légumes et fruits hors saison venant de l’autre bout du monde ou des serres chauffées, ainsi que de la viande tous les jours – et nous voulons l’avoir à moindre coût. Cela représente d’autant de menaces pour la Planète. Et cela met la pression sur le système agro-alimentaire au détriment de nos agriculteurs, éleveurs, vignerons, … français ou européens.

Un troisième point, important, c’est que -même si en France le modèle plus paysan a résisté  mieux qu’ailleurs- la politique agricole européenne, la politique agricole française, les banques, les industries phytosanitaires, des machines agricoles et de fertilisation, plus les chambres d’agriculture et le syndicats ont tous poussé les agriculteurs à agrandir, à s’endetter, à acheter des machines toujours plus lourdes, à utiliser à tout va pesticides et fertilisants chimiques, … Se sont greffés dessus les grands groupes de distribution qui tirent les prix vers le bas.

Ce ne sont pas les agriculteurs qui ont inventé le système actuel, ou que très à la marge, mais bien tout ce complexe agro-alimentaire / agro-industrielle. Et nombre d’agriculteurs se retrouvent derrière un ordinateur à la place d’être dans les champs et avec les bêtes. Nombre d’agriculteurs se retrouvent crouler sous les dettes en ne voyant plus le ‘sens’ de leur travail.

Et l’écologie dans tout cela. Eh bien, oui, la Nature en a trinqué. Et il faudra changer de modèle[iii]. C’est vrai. Mais nous n’allons pas résoudre le problème en changeant la politique agricole du jour au lendemain. Même s’il y a urgence. Même si on peut dire que nous savions depuis 50 ans et que nous aurions dû changer depuis longtemps. La politique, les banques, les industries ont continué jusqu’à très récemment à promouvoir, à imposer, l’ancien modèle. Et encore aujourd’hui, si la grande distribution veut avoir des prix très bas, cela n’est possible qu’en perpétuant l’ancien système où l’on met l’accent sur les grandes masses et non sur la qualité (du produit, de l’environnement, des conditions de travail de l’agriculteur).

Pour autant, nous sommes tous dans le même bateau qui coule. Et il est temps de se mettre tous à écoper, à colmater les brèches, et à changer de cap. Tout le monde va subir les conséquences des changements climatiques. Et, et c’est là le côté cynique de notre situation, d’abord et avant tout les agriculteurs ; sècheresses, inondations, tempêtes, maladies, nuisibles exotiques, … risquent de diminuer la productivité, voire la réduire à néant par endroit[iv].

Il n’y a donc aucun antagonisme entre l’agriculture et l’écologie, entre les intérêts des agriculteurs et les intérêts de la Nature, même entre recherche de productivité et autonomie alimentaire d’un côté et la lutte contre le dérèglement climatique de l’autre.

C’est peut-être cela que nous devrions apprendre de la crise environnementale ; nous ne pouvons pas nous opposer à la Nature, nous en faisons partie. Nous ne pouvons impunément la détruire puisque finalement c’est elle qui sera la plus forte. La Nature se rappelle à nous. La chute est rude pour une espèce qui a depuis 10.000 ans pensé être maître de la Terre. Pour se retrouver aujourd’hui tout petit face à des forces déchainées de la Nature.

Et les agriculteurs l’ont en général très bien compris. D’autant plus qu’ils vivent avec la Nature ; le soleil, la pluie, le froid, le chaud, les animaux nuisibles, les prédateurs de ces derniers, les mauvaises herbes, les insectes nuisibles et utiles … jour après jour, toute l’année. « Faut pas venir nous dire comment faire » et « On ne vous a pas attendu pour changer », nous disent-ils et à juste titre. Ils savent très bien que ce qui leur a été légué par les décennies précédentes n’est pas viable sur le long, même probablement sur le moyen, terme.

Etonnamment, c’est là exactement l’espoir. Il y a aujourd’hui la colère et la souffrance. Il y a une vraie difficulté de faire autrement, de changer de modèle. Il y a un système économique qui fait que les agriculteurs ne pèsent pas dans les négociations et se retrouvent étranglés par les dettes et sans revenus décents. Il y a en même temps l’urgence climatique et biodiversitale. Il y a aussi des rétropédalages électoralistes sur des utilisations de pesticides très nocives. Mais derrière tout cela, il y a des personnes, des hommes, des femmes, qui savent qu’il faut agir, qui savent pourquoi agir, qui savent comment agir. Une fois les esprits un peu calmés (espérons après des vrais propositions d’amélioration de la part du gouvernement), il n’y qu’un pas à faire pour ‘penser’ ensemble agriculture et écologie. Des exemples existent. Ainsi, les initiatives soutenues par la Fondation de France[v]. Mais il nous faut aller plus loin, beaucoup plus loin. Et c’est possible. C’est cela la bonne nouvelle.

[i] Il faut toutefois nuancer cette image romantique des cueilleurs-chasseurs. Plusieurs auteurs tirent l’attention au fait que l’humanité a commencé à anéantir des espèces entières il y a 15.000 ans (Hubert Rives, ‘Là où croît le péril, … croît aussi ce qui sauve’, Eds. Points, Paris, 2015 et Yuval Harari, ‘Sapiens. A Brief History of Mankind’, Vintage, London, 2011.

[ii]Global Greenhouse Gas Emissions Data | US EPA

[iii] Voir par exemple Transition climatique et agriculture : soutenir un modèle bas carbone | vie-publique.fr

[iv] Voir par exemple Changement climatique : d'importants surcoûts pour l'agriculture | vie-publique.fr

[v]Agroécologie : pour la transition écologique et alimentaire - Fondation de France

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a small green plant sprouting from the ground
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